Edito – La presse se déchaîne depuis la rentrée contre le thème du Président normal.
En France, l’opinion aimerait « la pompe », les dépenses somptuaires et le protocole qui va avec. L’exception doit briller au sommet et le legs monarchique, pour certain catholique ensuite laïcisé par le sacré républicain, serait incontournable. Ainsi, à se revendiquer « normal » un Président trahirait la symbolique de la chefferie d’État. Nous ne sommes pas nordiques et l’idée qu’un hôte de l’Élysée se promène dans la rue, salue les passants, fasse ses courses, ou se déplace le plus possible en train ou en voiture en respectant la signalisation, lasserait une opinion gourmande de grandeur et de faste…
Outre que la dureté de la période et l’échec élitaire en termes de légitimité depuis une vingtaine d’années, invite à la modestie, s’il n’est pas question ici de rayer d’un trait de plume la symbolique d’incarnation propre à la présidence, ainsi faite de grandeur et de majesté, le tintamarre entretenu depuis des semaines à ce sujet n’est-il pas risible ?
Car enfin, la même presse a écorné régulièrement les Présidents successifs pour leurs dépenses excessives, leurs prétentions à la gloire, alors que la France est condamnée à digérer sa perte de puissance, et à remettre en cause son orgueil. Le temps n’est-il pas venu pour l’incarnation présidentielle de tenir compte que les temps changent, afin de faire évoluer le style ? D’ailleurs, dès 1995, les présidentiables revendiquent une présidence plus citoyenne, et J. Chirac se réclame ensuite de la proximité ; ou encore N. Sarkozy fait campagne en 2007 en voulant rompre avec l’image d’un chef d’État isolé à l’Élysée…
Si certains ne contestent pas l’orientation prise par F. Hollande, avec la foi des convertis, ils surveillent chaque écart à la promesse : F. Hollande prend-il l’avion ; ne voilà t-il pas qu’il trahit son engagement. Respecte-t-il les consignes de son service d’ordre ; le voici qui s’isole des français… La cour de récréation journalistique est parfois devenue, comment dire… l’arène d’un sport anesthésiant.Il est dans tous les cas bien trop tôt pour trancher la question du renouvellement putatif de l’incarnation présidentielle.
Surtout, prenons le mot normal au sérieux. Il signifie conforme à la norme. Cette dernière peut être entendue au sens de règle juridique. Il en est une, constitutionnelle, qui vaut pour le Président comme pour les autres pouvoirs publics, et même pour les citoyens. Si le statut de la responsabilité d’exception du PR évolue dans les mois qui viennent dans le sens d’une moindre immunité, F. Hollande aura agi conformément à un engagement éthique connu de tous ; il s’agit sans la confondre, de rapprocher la situation juridique du PR de celle des citoyens.
La même Constitution prescrit qu’il est arbitre et garant, le Gouvernement déterminant et conduisant la politique de la Nation. Là encore, les scrutateurs du fonctionnement du duo exécutif, soulignent qu’après s’en être démarqué, Hollande ferait du Sarkozy. Parce qu’il se déplace en compagnie de M. Valls ; parce qu’il a participé à la constitution de l’équilibre des nominations gouvernementales, il serait hyper-président… L’anachronisme est évident : tous les PR ont fait de même, et N. Sarkozy n’a pas inventé le présidentialisme.
Nous parvenons au point nodal du raisonnement et à la conclusion. En fait, N. Sarkozy a tranché avec la coutume présidentialiste, parce qu’il assumait publiquement en permanence la responsabilité de nombre de choix, là où ses prédécesseurs usaient moins d’une présence médiatique quasi constante. Mais il n’a guère tranché avec les pratiques précédentes, sinon pour accroître la transparence du budget élyséen.
Donc, lorsque F. Hollande se revendique d’une certaine normalité, il signifie qu’il veut revenir à une pratique institutionnelle moins événementielle, plus usuelle et représentative, avec laquelle N. Sarkozy rompait. Ici, la norme est à entendre au sens de tradition. Alors certes, le Président actuel ne pourra pas nier par décret les impératifs de la société de l’instant et du spectacle ; mais il veut sans doute au nom du respect de la norme, y compris au sens éthique, les tempérer. Pour le coup, la gageure est d’exception. N’est-il pas trop tôt pour la remiser ?
A retrouver une certaine tradition symbolique présidentielle, F. Hollande veut sans doute s’inscrire pas à pas dans lignée des chefs d’État, qui ont tous marqué pour leurs qualités présumées exceptionnelles. Somme toute, quel débat Ridicule – au sens du film de Patrice Leconte !
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